Histoire 4 - La petite fille du couloir


L’œil blanc m’observe depuis le trou de la serrure. Je ne sais pas pourquoi Elle fait ça. J’aimerais La voir, Lui parler, mais Elle s’enfuit dès que je m’approche de la porte de ma chambre. On dirait qu’Elle a peur de moi. Creddy reste silencieux. Pourtant sa grande main moche pourrait m’aider à l’attraper.
L’autre, nuit, j’ai entendu les craquements du plancher dans le couloir. C’était Elle. Je l’ai aussi entendu gémir, c’était effrayant, Elle allait et venait dans le couloir, semblait très nerveuse. Puis Elle s’est arrêtée devant la porte de la chambre à ma mère et l’a fixée sans interruption. Pourquoi fait-elle ça ? Je me demande qui est cette petite fille ? Elle est apparue l’autre soir, après un cauchemar où la silhouette de la grande dame avec un bébé décapité. Une lune rouge éclairait la fenêtre de ma chambre. Je n’aime pas les lunes rouges, on dirait que ma chambre est remplie de sang. Je ne veux plus faire ce cauchemar, j’ai peur d’y être enfermé pour toujours.
Ma mère s’énerve quand je lui parle de la petite fille et de mon cauchemar. Elle m’a encore traité de fou. J’ai l’impression qu’elle me cache des trucs, qu’elle sait qui elle est. Ces derniers temps, ma mère va souvent à la cave. Qu’y a-t-il à la cave ? Je n’ai pas le droit d’y aller et Creddy ne veut pas y aller, il dit que cet endroit lui fait peur, car il s’y est passé des choses terribles par le passé. Demain, c’est mon onzième anniversaire. Je ne sais pas si ma mère va le fêter. Si vous me lisez, souhaitez-moi un bon anniversaire, car je me sens un peu seul…



Histoire 3 - La main de Creddy



Je calais sur l’idée de ma troisième histoire. En plus, Creddy me chuchotait des choses indistinctes à mon oreille. Alors que j’allais laisser tomber mes écrits pour toujours et effacer mon blog, sa voix est devenue plus forte. Elle grondait dans ma tête, mais aussi derrière les murs de ma chambre. J'avais mal au crâne tellement c’était fort. Ça me prouvait que Creddy existait vraiment, un peu dans son monde et un peu dans le mien. Mais il ne voulait toujours pas se montrer car il me disait que j’aurais trop peur de lui.
       Je suis un petit garçon courageux. J’ai donc décidé d’écrire ma prochaine histoire sur lui. J’ai été très malin sur le coup, car je ne connaissais rien de Creddy, si ce n’était à travers ses sombres conseils. Bien sûr, ma mère me demandait souvent à qui je parlais seul dans ma chambre et que quand je lui donnais ma réponse, elle disait que Creddy n’existait pas et qu’il était issu de mon imagination. Alors pourquoi ses lèvres et ses mains tremblaient-elles quand je lui parlais de Creddy ? Comment peut-on avoir peur de quelque chose qui n’existe pas ?
        Pour écrire une histoire sur lui, il fallait que je le voie. Je lui ai demandé de se montrer, de sortir de sa cachette, pas juste me faire croire qu’il est là, mais qu’il soit réellement là. Au début il a refusé, il m’a dit qu’il n’était pas nécessaire que je le voie, qu’il était comme un gros œil blanc me surveillant jour et nuit. Je lui ai dit que ce n’était pas suffisant, que s’il n’apparaissait pas tout de suite, je ferai tout pour l’oublier. Un long silence a précédé sa réponse. Puis il m’a parlé de risques extrêmes. Creddy m'a dit que ce que je verrais ne s’effacerait jamais de ma mémoire, que je pouvais être atteint de graves troubles psychologiques. J’ai haussé les épaules, j’ai dit que je n’aurais pas peur de mon Creddy, car Creddy était mon ami pour toujours. Il a grogné puis a fini par accepter. J’étais fou de joie, j’allais enfin voir mon Creddy.
       Le moment est arrivé. Il m’a dit de prendre un crayon à papier, une feuille, et de fermer les yeux. J’ai obéi sans chercher à comprendre. Je tenais fort le crayon à papier quand il s’est agité sur la feuille. Je n’ai pas osé ouvrir les yeux, mais je sentais que ma main dessinait à toute vitesse. Mes mouvements se sont arrêtés d’un coup. Mon cœur battait très vite. Creddy m’a conseillé de me calmer avant d’ouvrir les yeux. Ce que j’ai fait avec plus ou moins de difficulté, en prenant de grandes inspirations relaxantes. Et puis j’ai ouvert les yeux…
       J’ai plaqué une main sur ma bouche pour étouffer mon cri. J’étais choqué. Je ne pensais pas que Creddy ressemblait à ça, je pensais sans doute qu’il me ressemblait un peu, qu’il n’était pas aussi effrayant qu’il le disait. Pourtant, ce que j’avais dessiné les yeux fermés était plus qu'effrayant, c'était l'horreur. Certes, ce n’était qu’une main, mais cette main ne pouvait pas appartenir à un être humain. Peut-être à un mort, mais pas à un humain. La paume était petite alors que les doigts étaient extrêmement longs. Quatre doigts, dont le pouce, étaient repliés sur la paume qui touchait le haut du dessin. Le pouce avait l’air cassé, car il était tiré vers l’arrière et parallèle aux autres doigts repliés. Le seul doigt déplié était l’index. Il pointait vers moi et touchait le bas du dessin. L’os était mince, mais les phalanges étaient grosses et piquetés de trous. Le bout sans ongle était pointu comme une aiguille à tricoter.
       Une fois calmé, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai dit à Creddy que c’était bon, que je n’avais déjà plus peur, qu’il pouvait apparaître. C’est alors que j’ai entendu des cliquetis. Je me suis mis à trembler, je frissonnais de la tête aux pieds. Les cliquetis ont continué, ça faisait tic-tic-tic près de moi. Creddy se taisait. Tic-tic-tic. Creddy ? Tic-tic-tic. Je me suis penché sous le bureau. Tic-tic-tic. Ce n’était pas sous le bureau, c’était plus loin, près de mon lit. Tic-tic-tic-tic. La main aux doigts pointus de Creddy essayait de grimper sur mon lit. J’ai hurlé. Tic-tic-tic-tic-tic. La porte de ma chambre s’est brusquement ouverte. Ma mère, les cheveux défaits, m’a demandé ce qui se passait. Terrorisé, je lui ai montré la main qui tentait de grimper sur mon lit. Elle a froncé les sourcils, m’a dit qu’elle ne voyait rien. Je n’ai pas compris car la main de Creddy était bien là, je la voyais comme je voyais ma mère. Elle s’est approchée à grands pas du lit que je pointais toujours avec l’index. La main de Creddy s’est précipitée sur elle, lui a attrapé une cheville, a tiré sèchement. Ma mère a crié, puis elle est tombée lourdement sur le parquet. J’aurais dû l’aider à se relever, mais j’étais pétrifié par ce qui venait de se passer. C’est alors que l’incroyable est arrivé. Ma mère s’est péniblement relevée et m’a dit : « Pourquoi tu m’as fait tomber ? » Ma jambe droite s’est repliée sous le bureau, car je l'avais étendue pour je ne sais quelle raison, mais pas pour la faire tomber ! Puis ma mère a vu le dessin de la main de Creddy et l’a déchiré en mille morceaux en me traitant de fou…

Histoire 2 - Les silhouettes devant la fenêtre

     

     « Cela n’avait toujours été qu’un simple bruit, un goutte-à-goutte dans la grande maison froide. Le garçon ne s’en était jamais inquiété. Il entendait ce bruit depuis l’âge de cinq ans et il avait dix ans. Alors c’était habituel. Mais une nuit, alors que la lumière d’une lune rouge hantait sa chambre, le garçon vit une grande silhouette devant sa fenêtre sans volets. Le long de son flanc droit, elle tenait un couteau qui brillait d’un rouge-pâle. Le lent goutte-à-goutte s’effilochait de la lame. Ça gouttait sur le carrelage, ça faisait un bruit anormal, comme si c’était des gouttes métalliques. Dans son autre bras replié contre son torse, la silhouette tenait un petit corps. Sa tête était penchée en arrière, comme arrachée du cou. C’est à ce moment-là que le petit garçon entendit les pleurs stridents d’un bébé. Effrayé, il sortit vite de sa chambre et se réfugia dans le lit de sa mère. Mais elle n’y était pas. Des pas firent craquer le plancher du couloir. Mort de trouille, il se cacha dans le placard et à travers les rayons de la porte, il vit la grande silhouette entrer dans la chambre. C’était une femme très maigre avec un bébé presque décapité dans les bras. Comme il le redoutait, elle s’avança vers lui. Mais au lieu d’ouvrir le placard, la femme s’allongea sur le lit et berça en chantonnant le cadavre du bébé pendant un long moment. Le jeune garçon s’évanouit et se réveilla dans son lit. Ce fut la seule fois que cela arrivât. Il n’entendit plus jamais le goutte-à-goutte métallique sur le carrelage de sa chambre. 
Bien plus tard et bien plus grand, il trouva dans le grenier de sa maison un vieux carton poussiéreux. Il l’ouvrit et tomba sur une vieille coupure de journal. La coupure parlait de sa famille. Il découvrit alors qu’il avait une demi-sœur et que dans un accès de démence, sa mère l’avait égorgée. » 


Histoire 1 - Un bonbon de trop




« La petite fille pleurait sur son lit. Son papa lui avait donné une claque sur la main parce qu’elle avait pris un bonbon de plus. Jamais son papa ne l’avait frappée. La petite fille ne comprenait pas pourquoi son papa était devenu si méchant pour un bonbon de plus. On ne tapait pas les enfants, c’était Sarah, sa meilleure copine qui le lui avait dit. Sarah lui avait aussi dit de se défendre si son papa recommençait. 
La petite fille qui s’appelait Élorine ne savait pas comment se protéger de son papa car il faisait trois fois sa taille. Sarah lui a dit de mettre un couteau à côté de la bonbonnière au cas où son papa recommencerait à la frapper. Mathilde n’a pas voulu. Pour savoir si son papa était redevenu gentil, la petite fille a fait exprès de reprendre un bonbon en plus. Cette fois elle a pris trois claques, une sur la main, et deux sur le visage. Elle a pleuré pendant une heure, elle voulait que sa maman revienne, mais sa maman était morte d’un accident de tronçonneuse alors qu’elle aidait son mari à couper le bois. 
La petite fille a finalement décidé de cacher un couteau près de la bonbonnière. Mathilde savait très bien qu’elle n’utiliserait jamais ce couteau, mais elle voulait faire comprendre à son papa qu’elle ne voulait plus être frappée. La petite fille a hésité plusieurs jours avant de prendre un bonbon de plus. Au moment de recevoir une claque sur son visage, la petite fille a pris le couteau. Malheureusement, elle n’avait pas la force de son papa qui lui a arraché le couteau des mains et l’a poignardé à 33 reprises, s’acharnant sur le petit corps de sa fille comme s’il s’agissait d’un porc. Puis il s’est égorgé. Un peu plus tard, on retrouvera une lettre mentionnant le meurtre de sa femme à cause de son amant ». 

Voilà, l’histoire est finie. J’espère qu’elle vous a plu. Merci à Creddy de m’avoir soufflé à l’intérieur de mon oreille toutes les idées et à mère de m’énerver autant. 

Dix-septième texte


« J’ai enfin eu une bonne idée. Enfin pour dire vrai, c’est grâce à Creddy. Il m’a suggéré d’écrire des histoires qui n’existent pas vraiment, mais qui ne sont pas totalement fausses non plus, un mix entre les deux. Je lui ai dit que je ne serais pas bon pour inventer des histoires à moitié fausses ou à moitié vraies. Il m’a alors répondu de ne pas m’inquiéter, qu’il vient d’un monde où tout existe déjà, où tout vit et tout meurt, que c’est un monde sans frontières et sans restriction. Son monde s’appelle l’imagination et rien, absolument rien ne peut s’arrêter dans ce monde-là. Même après la mort il y a toujours quelque chose, m’a-t-il chuchoté à l’oreille. Il m’a aussi dit de fermer les yeux et d’aller chercher au plus profond de moi-même des restes de souvenirs.
J’ai eu toute la journée pour penser à mon histoire qui n'existe pas vraiment. S’il n’y avait pas eu ma mère pour me contrarier, je crois que j’aurais trouvé une idée moins sombre. Enfin voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Mon histoire se met doucement en place. Je vous en reparlerai plus tard, si je suis satisfait du résultat ».

Treizième texte


« Je m’ennuie alors j’écris. Je ne sais pas quoi faire d’autre de toute façon. Tout m’ennuie, mon pote m’agace à me dire que je suis bizarre. C’est Creddy qui m’a dit d’écrire. Il m’a dit que de se mettre devant une page blanche m’aiderait à trouver l’inspiration. Je n’ai jamais eu d’inspiration ni d’imagination de toute façon, je raconte juste ma vie. C’est banal de raconter sa vie, car je n’ai pas une vie très intéressante. Contrairement à ce que dit ma mère, elle n’est pas différente des autres ma vie. Mes textes aussi m’ennuient. Quand je les relis, je les trouve ennuyeux. Ma mère me dit que non, que mes récits sont imagés. Mais je sens bien qu’elle s’en fiche de ce que j’écris, elle préfère faire des choses bizarres dans la cave (excuse-moi mère, je t’ai un peu espionné). 
Mes textes sont chiants, ma vie est chiante de toute de façon, chiante à mourir. Ma vie est aussi banale que l’école. L’école m’ennuie. Ma mère me dit que c’est normal puisque je suis un génie, mais être un génie c’est chiant, car on s’ennuie vite à l’école, c’est trop facile l’école, trop long, ça ne devrait durer qu’une demi-heure par semaine. Tout le reste du temps, je ferais des choses idiotes avec mon pote même s’il dit que je suis bizarre. 
J’aime les choses idiotes, ce n’est pas chiant de faire des choses idiotes, ça passe le temps. Bon voilà, je ne suis sait plus quoi écrire. Creddy reste silencieux. Je ne sais même pas à quoi de toute façon. Il dit qu’il est invisible mais je ne le crois pas. À demain ou à jamais, car il se peut que j’en aie marre d’écrire et que vous n’ayez plus jamais de nouvelles de moi ».