Histoire 3 - La main de Creddy



Je calais sur l’idée de ma troisième histoire. En plus, Creddy me chuchotait des choses indistinctes à mon oreille. Alors que j’allais laisser tomber mes écrits pour toujours et effacer mon blog, sa voix est devenue plus forte. Elle grondait dans ma tête, mais aussi derrière les murs de ma chambre. J'avais mal au crâne tellement c’était fort. Ça me prouvait que Creddy existait vraiment, un peu dans son monde et un peu dans le mien. Mais il ne voulait toujours pas se montrer car il me disait que j’aurais trop peur de lui.
       Je suis un petit garçon courageux. J’ai donc décidé d’écrire ma prochaine histoire sur lui. J’ai été très malin sur le coup, car je ne connaissais rien de Creddy, si ce n’était à travers ses sombres conseils. Bien sûr, ma mère me demandait souvent à qui je parlais seul dans ma chambre et que quand je lui donnais ma réponse, elle disait que Creddy n’existait pas et qu’il était issu de mon imagination. Alors pourquoi ses lèvres et ses mains tremblaient-elles quand je lui parlais de Creddy ? Comment peut-on avoir peur de quelque chose qui n’existe pas ?
        Pour écrire une histoire sur lui, il fallait que je le voie. Je lui ai demandé de se montrer, de sortir de sa cachette, pas juste me faire croire qu’il est là, mais qu’il soit réellement là. Au début il a refusé, il m’a dit qu’il n’était pas nécessaire que je le voie, qu’il était comme un gros œil blanc me surveillant jour et nuit. Je lui ai dit que ce n’était pas suffisant, que s’il n’apparaissait pas tout de suite, je ferai tout pour l’oublier. Un long silence a précédé sa réponse. Puis il m’a parlé de risques extrêmes. Creddy m'a dit que ce que je verrais ne s’effacerait jamais de ma mémoire, que je pouvais être atteint de graves troubles psychologiques. J’ai haussé les épaules, j’ai dit que je n’aurais pas peur de mon Creddy, car Creddy était mon ami pour toujours. Il a grogné puis a fini par accepter. J’étais fou de joie, j’allais enfin voir mon Creddy.
       Le moment est arrivé. Il m’a dit de prendre un crayon à papier, une feuille, et de fermer les yeux. J’ai obéi sans chercher à comprendre. Je tenais fort le crayon à papier quand il s’est agité sur la feuille. Je n’ai pas osé ouvrir les yeux, mais je sentais que ma main dessinait à toute vitesse. Mes mouvements se sont arrêtés d’un coup. Mon cœur battait très vite. Creddy m’a conseillé de me calmer avant d’ouvrir les yeux. Ce que j’ai fait avec plus ou moins de difficulté, en prenant de grandes inspirations relaxantes. Et puis j’ai ouvert les yeux…
       J’ai plaqué une main sur ma bouche pour étouffer mon cri. J’étais choqué. Je ne pensais pas que Creddy ressemblait à ça, je pensais sans doute qu’il me ressemblait un peu, qu’il n’était pas aussi effrayant qu’il le disait. Pourtant, ce que j’avais dessiné les yeux fermés était plus qu'effrayant, c'était l'horreur. Certes, ce n’était qu’une main, mais cette main ne pouvait pas appartenir à un être humain. Peut-être à un mort, mais pas à un humain. La paume était petite alors que les doigts étaient extrêmement longs. Quatre doigts, dont le pouce, étaient repliés sur la paume qui touchait le haut du dessin. Le pouce avait l’air cassé, car il était tiré vers l’arrière et parallèle aux autres doigts repliés. Le seul doigt déplié était l’index. Il pointait vers moi et touchait le bas du dessin. L’os était mince, mais les phalanges étaient grosses et piquetés de trous. Le bout sans ongle était pointu comme une aiguille à tricoter.
       Une fois calmé, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai dit à Creddy que c’était bon, que je n’avais déjà plus peur, qu’il pouvait apparaître. C’est alors que j’ai entendu des cliquetis. Je me suis mis à trembler, je frissonnais de la tête aux pieds. Les cliquetis ont continué, ça faisait tic-tic-tic près de moi. Creddy se taisait. Tic-tic-tic. Creddy ? Tic-tic-tic. Je me suis penché sous le bureau. Tic-tic-tic. Ce n’était pas sous le bureau, c’était plus loin, près de mon lit. Tic-tic-tic-tic. La main aux doigts pointus de Creddy essayait de grimper sur mon lit. J’ai hurlé. Tic-tic-tic-tic-tic. La porte de ma chambre s’est brusquement ouverte. Ma mère, les cheveux défaits, m’a demandé ce qui se passait. Terrorisé, je lui ai montré la main qui tentait de grimper sur mon lit. Elle a froncé les sourcils, m’a dit qu’elle ne voyait rien. Je n’ai pas compris car la main de Creddy était bien là, je la voyais comme je voyais ma mère. Elle s’est approchée à grands pas du lit que je pointais toujours avec l’index. La main de Creddy s’est précipitée sur elle, lui a attrapé une cheville, a tiré sèchement. Ma mère a crié, puis elle est tombée lourdement sur le parquet. J’aurais dû l’aider à se relever, mais j’étais pétrifié par ce qui venait de se passer. C’est alors que l’incroyable est arrivé. Ma mère s’est péniblement relevée et m’a dit : « Pourquoi tu m’as fait tomber ? » Ma jambe droite s’est repliée sous le bureau, car je l'avais étendue pour je ne sais quelle raison, mais pas pour la faire tomber ! Puis ma mère a vu le dessin de la main de Creddy et l’a déchiré en mille morceaux en me traitant de fou…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Tu t'es ennuyé ?