Histoire 7



Le monsieur court, court aussi vite qu’il peut. Derrière lui, des branches mortes cassent avec des bruits secs, des oiseaux s’envolent en criant, des bêtes affolées s’enfuient en courant. Les pas de la grande dame sont si grands qu’elle n’a pas besoin de courir. Mètre après mètre, pas après pas, elle rattrape le monsieur qui court devant elle avec la petite fille dans les bras. Le monsieur veut la sauver, le monsieur ne veut pas la laisser entre les longues mains de la grande dame. Il sait très bien ce qu’elle va lui faire, comment elle va le faire. Le monsieur la veut pour elle, il veut la petite fille pour récupérer ses pouvoirs cachés dans son crâne.
La végétation devient plus dense, les arbres se resserrent, on dirait que la forêt ne veut pas que le monsieur s’échappe, comme si la forêt obéissait à la grande dame. Soudain, l’homme se prend les pieds dans une racine qui a jailli du sol et il tombe lourdement. La petite fille lui échappe des bras, se cogne la tête à un énorme tronc, se retrouve miraculeusement assisse sur une souche. Elle a mal à la tête, se la frotte, mais elle ne pleure pas, comme si elle était habituée à souffrir.
Alors que le monsieur tente de se relever, la grande dame écrase un pied sur le dos du monsieur. La petite fille sourit.
« Aide-moi ma fille », dit le monsieur au sol, un bras tendu vers elle.
« N’écoute pas ce vieux fou, tu sais très bien ce qu’il veut te faire, hein ma petite chérie ?  
« Non, ce n’est pas vrai, je veux juste que tu m’aides, c’est tout Élorine ».
« Ne l’écoute pas, ton père est un fourbe ! »
« Et ta mère est une vieille sorcière ! »
« Ferme-la sale con, ou je t’étripe ! »
« Devant la gamine, bravo ! »
« Je lui dirai que c'était un cauchemar, elle ne se souviendra de rien, crois-moi sale connard ! »
La dame lève alors son grand couteau et l’abat dans le dos de l’homme maintenu sous son pied. La pointe de la lame s’arrête à quelques millimètres. La grande dame force, s’énerve, abat deux autres coups en hurlant, mais n’y arrive toujours pas. Son visage haineux se lève vers Élorine qui a un bras tendu vers elle :
« Arrête ça tout de suite ! » lui hurle-t-elle.
La petite fille fait non de la tête.
« Ton père n’est qu’un sale type, il ne sert à rien ! »
Élorine refait non de la tête.
« Tu sais ce qu’il t’aurait fait si je ne l’avais pas rattrapé ? Il t’aurait égorgé comme une truie pour boire ton sang et voler tes pouvoirs ! »
« Ne l’écoute pas ma fille, ta mère est folle ! Je voulais juste t’emmener à la fête foraine, je sais que tu adores le manège avec les chevaux vernis ! »
« Ferme-la ! » lui hurle sa femme.
Elle se sert de son autre grand pied pour lui écraser la tête. Le monsieur hurle de douleur.
« Si je ne le tue pas maintenant, tu sais très bien qu’un soir ou l’autre, il viendra t’égorger dans ton lit pour prendre tes dons ! »
« C’est vrai ? » demande Élorine d’une voix très aiguë.
« Tous les hommes sont des voleurs, je l’ai déjà dit mille fois ! »
« Petit frère aussi ? »
« Ton petit frère n’est pas encore un homme ».
« Mais il le deviendra un jour ? »
« Nous le tuerons bien avant. Alors, tu vas me laisser tuer ce porc, oui ou merde ? »
« D’accord, hi hi »
Élorine baisse la main, son papa hurle. C’est alors qu’IL surgit de nulle part. IL porte un vêtement si lumineux qu’il éblouit la petite fille et la grande dame se jette soudainement en arrière, une main devant les yeux.
« Tu dois empêcher ta mère de faire ça ! » dit-IL aussitôt à la petite fille.
« Qui tu es ? Un ange ? »
« Oui, si tu veux, mais ne laisse pas ta mère tuer ton père. Ton âme en serait à jamais salie et tu n’iras pas au paradis. »
« Maman dit que ça n’existe pas le paradis, l’enfer aussi d'ailleurs, qu’il n’y a que des ombres et des lumières qui hantent la Terre après la mort. »
« Oh si, crois-moi, le paradis existe bel et bien. »
« Tu en viens toi du paradis ? »
« Oui, si on veut. Alors laisse ton père partir, je m’arrangerais pour qu’il ne vienne plus jamais t’embêter. »
« C’est un homme, maman dit qu’on ne peut pas faire confiance aux hommes. »
« Tous les hommes ne sont pas mauvais, au contraire, il y en a beaucoup de bons. »
« Il a raison, intervient son père, et j’en fais partie, crois-moi ma petite ».
« Comment oses-tu dire ça alors que tu nous as abandonné à sa naissance ! »
« Hey normal, j’avais trouvé un boulot à l’autre bout de la France, et comme la voiture est toute pourrie, je ne pouvais pas revenir vous voir ! »
« La petite a cinq ans espèce de con ! »
« Ah déjà ? C’est dingue comme le temps vite mon amour. »
Le père d’Élorine se relève et frotte ses mains pour retirer terre et feuilles mortes. En poussant un rire cynique, la grande dame le frappe avec son couteau qui s’enfonce entre ses omoplates. Surpris, le papa pousse une exclamation brève avant de s’écrouler, ses grands yeux écarquillés sur sa fille, une main tendue vers elle.
IL crie et se précipite sur le papa d’Élorine, mais des soubresauts agitent déjà son corps.
« Pourquoi ? murmure-t-IL agenouillé près du corps agonisant, pourquoi as-tu laissé faire ça ? »
« Pour te tester. »
« Me…tester ? »
« Oui, si tu es un ange, ressuscite mon papa ! » lui ordonne la petite fille.
« Je…je ne peux pas…ça ne marche pas comme ça », répond-IL ému. « Ce…c’était à toi de le sauver, car tu en avais le pouvoir ! » s’énerve-t-IL.
« Ce n’est pas moi qui l’ai tué ! » proteste Élorine. Et puis ce n’est pas mon papa qui va me tuer, ce ne sera jamais mon papa ! »
« Quoi ? » bredouille-t-IL.

 « Allons, cela ne concerne en rien le monsieur en blanc qui n’est pas un ange, mais un emmerdeur ! Viens maintenant ma petite Élorine, il est grand temps de rentrer à la maison… »

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